Auteur : Benoît Le Dévédec

        Lundi 25 septembre, le site internet de Médiapart relayait l’information selon laquelle le parquet de Pontoise a poursuivi pour atteinte sexuelle, et non pas pour viol, un homme de 28 ans ayant eu une relation sexuelle avec une jeune fille de 11 ans. Cet article, partagé massivement sur Facebook,  a enflammé les réseaux sociaux. Mais les critiques envers l’institution judiciaire et le dispositif législatif français en la matière, qui fourmillent dans les réactions des internautes, sont souvent le fruit d’une certaine incompréhension.

 

Le droit, une matière imperméable aux émotions

        L’une des difficulté lorsque l’on parle de droit et surtout de droit pénal est de laisser ses émotions et ses conceptions morales de côté, pour ne réfléchir qu’en termes juridiques. Cette difficulté est d’autant plus forte lorsqu’il s’agit d’infractions sexuelles commises sur des mineurs. Il est pourtant important de se garder de se demander ce qu’une décision nous fait ressentir, mais plutôt essayer de la comprendre avant de la critiquer.

 


Cet article a été republié par le Huffington Post ! Vous pouvez le lire sur leur site en cliquant ici.

Vous pouvez aussi visualiser l’ensemble des articles que j’ai publié sur le Huffington Post en visitant ma page auteur en cliquant ici.


 

        En effet, depuis lundi, de nombreux internautes commentent cette décision du parquet, en estimant qu’elle est la conséquence d’une justice trop laxiste, d’une incompétence des magistrats, d’un vide juridique ou, plus exotique, d’une islamisation de la France (mais cet argument reste assez obscur à nos yeux…). Cependant, rien de tout cela n’est vrai. Il n’y a aucun vide juridique en la matière. Il faut d’ailleurs, de manière générale, oublier ce mythe du vide juridique qui reste extrêmement rare et concerne principalement des problématiques nouvelles, par exemple lorsqu’une technologie innovante pose une question de droit qui n’a jamais été posée. En matière d’agressions sexuelles toutes les questions ont, malheureusement, déjà été posées…

 

Une législation complexe mais précise en matière d’infractions sexuelles

        En l’espèce, l’article nous apprend qu’une jeune fille de 11 ans a suivi un inconnu de 28 ans et eu avec lui des relations sexuelles «sans protester». Pour comprendre pourquoi de tels faits ne  semblent pas relever de la qualification de viol, à la lumière des éléments dont nous disposons, il est nécessaire de comprendre le vocabulaire législatif en la matière. Il faut comprendre l’expression « atteinte sexuelle » comme tout acte sexuel, allant du simple baiser à la pratique sexuelle la plus extrême, lorsque les différents participant à l’acte sont consentants. On parle « d’agression sexuelle » lorsque ces actes sont commis « avec violence, contrainte, menace ou surprise » (article 222-22 du Code pénal), c’est à dire sans consentement. Parmi ces agressions sexuelles, il y a le viol, qui est « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol » (article 222-23 du Code pénal). Cependant, lorsqu’un acte sexuel, quel qu’il soit, a lieu entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur, on parle alors « d’atteinte sexuelle sur mineur » . Dans ce cas précis, et pour ne pas tomber dans la qualification d’agression sexuelle ou de viol, il est nécessaire que le mineur soit consentant (article 227-25 du Code pénal).

        Une telle législation peut heurter. Il peut paraître choquant de considérer qu’un jeune enfant peut « consentir » à un acte sexuel avec un adulte. Pourtant, il est nécessaire d’établir des limites entre les différents faits, entre les différentes situations. En effet, par exemple, il est nécessaire de poser une différence entre une situation où un(e) adulte de 35 ans va avoir une relation sexuelle consentie avec un(e) adolescent(e) de 14 ans, et une situation où un adulte de 18 ans forcerait d’une manière ou d’une autre un(e) adolescent(e) de 14 ans à avoir cette relation sexuelle. Ces deux cas relèvent de deux réalités : la première correspond à un acte que la loi interdit parce que nos mœurs considèrent comme immorale une telle relation, alors que la seconde, malgré un écart d’âges moins important, correspond à une véritable violence, à une atteinte à la personne d’autrui dans son intimité et sans son consentement.

 

La question du périmètre du consentement de l’enfant

        Mais un problème crucial se pose lorsque le mineur est particulièrement jeune, à tel point que l’on se demande si ce mineur peut ou non consentir à un acte sexuel. Dans le respect des principes juridiques et de la lettre de la loi, il ne doit y avoir aucune différence selon que le mineur a 1 mois ou 14 ans, car la loi ne distingue pas ces deux situations. Ainsi, en théorie, s’il n’est pas prouvé (parce qu’il s’agit bien d’apporter des preuves !) que l’acte sexuel a été commis par violence, contrainte, menace ou surprise, alors il n’y a pas, juridiquement, d’agression sexuelle, mais « simplement » une atteinte sexuelle, quel que soit l’âge de l’enfant mineur. Pourtant, et c’est heureux, la Cour de cassation a écorné le droit afin de prendre en compte des situations exceptionnelles.

        En effet, dans un arrêt du 7 décembre 2005,  cette Cour a considéré que devait être condamné pour agressions sexuelles sur mineurs un homme ayant eu des actes sexuels avec des nourrissons, car ces derniers, en raison de leur très jeune âge ne pouvaient consentir. Sans rentrer dans les détails techniques, il faut préciser que pour statuer ainsi, la Cour de cassation a tordu le bras aux principes juridiques du droit pénal afin d’admettre que le très jeune âge était constitutif d’une absence de consentement. Cependant, une telle décision ne peut s’appliquer que pour de très jeunes enfants qui n’ont pas la capacité de consentir. Tout le débat se portera alors sur le point de savoir à partir de quand un enfant peut consentir à un acte sexuel avec un majeur. Cela dépendra de l’âge mais aussi de la maturité de l’enfant.

        Mais il est possible de penser, et c’est ce que semble avoir fait le parquet de Pontoise, qu’une enfant de 11 ans peut consentir à de tels actes, ou, qu’en tout état de cause, il n’a pas été possible d’apporter la preuve d’une absence de consentement dans ce cas particulier. Si une telle décision peut être critiquée, il faut alors le faire en connaissance de cause, en ayant parfaitement compris les spécificités législatives en la matière, et en respectant évidemment les limites de la loi.

 

Une législation perfectible ?

        L’atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Les agressions sexuelles autres que le viol sur mineur de moins de 15 ans sont punies de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. Le viol sur mineur de moins de 15 ans est puni quant à lui de 20 ans de réclusion criminelle. Il serait alors envisageable, pour pouvoir condamner justement certains actes d’atteinte sexuelle sur mineur consentant d’augmenter la peine maximale prévue lorsque cette infraction est constatée (par exemple 10 ans d’emprisonnement). Cela permettrait alors au juge de pouvoir bénéficier d’une échelle de peine plus importante, qui lui permettra de moduler sa décision avec plus de souplesse en prenant en compte les faits de l’espèce, même lorsqu’une absence de consentement ne peut pas être prouvée. Cependant, l’office du juge ne doit en aucun cas se substituer à la recherche de preuves par la police judiciaire, et encore moins à l’impossibilité d’apporter certaines preuves !

 

Article rédigé par Benoît Le Dévédec le 26 septembre 2017.


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